• Les Philippins adorent manger et sont très fiers de leur cuisine, sans tout à fait comprendre pourquoi elle n'est pas reconnue à l'étranger. Un exemple assez frappant de ce qu'ils aiment est celui des mannele (brioches) que j'ai une fois apportés au travail. Mes collègues étaient unanimes: c'est bon mais ça serait meilleur avec du fromage/des oignons.

    Au début de mon séjour ici, je tolérais la cuisine locale (nous avons une cuisinière à demeure au bureau et partageons les déjeuners et les dîners) mais passais mes weekends à rechercher des repas un peu plus internationaux (autre chose que du riz, du poulet ou du poisson).

    Je me réjouissais d'avoir une cuisine pour pouvoir enfin cuisiner ce que j'ai envie de manger... mais maintenant que j'en ai une je réalise que je me suis plutôt habituée aux goûts philippins, et que la liste des plats locaux que j'aime grandit de plus en plus.

    Et finalement, quand mon amie Chi (pas sur le trombinoscope) m'a proposé qu'on cuisine ensemble j'étais toute contente de pouvoir lui demander de m'apprendre à cuisiner philippin.

    Chi aux fourneaux

    Au menu de samedi soir: du riz (bien sûr), adobo de poulet et pommes de terre (= mijotes dans un melange de vinaigre et sauce soja), et soupe de haricots mungo au lait de coco. Chi est très bonne cuisinière et le repas était vraiment bon! J'espère que je saurai refaire ça seule une fois que je serai de retour en France. Maya, Louise sa coloc, Sly que je ne connaissais pas et Mathias du Cine Trinidad nous ont rejoint pour le repas et ont aussi donne un coup de main!

    Sly et Louise

    Sly et Louise pressent la noix de coco rapee pour extraire le lait

    Ci dessous, chacun avec son instrument:

    Repas philippin

    De gauche a droite: Sly, Louise, moi, Chi, Mathias et Maya


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  • Me voila a Kalinga, dans les Cordilleras au nord de Luzon, jusqu'a fin septembre. J'y rejoins Twinkle, qui aimerait mettre en place une communaute PeaceBuilders dans sa region, avec aussi le cote cafe fair trade. Elle a deja des contacts par son boulot normal (elle travaille au Departement du Gouvernement Local) avec des cultivateurs et des communautes qui sont interesses par la formation au cafe.

    Ma mission est de l'accompagner dans ces differentes visites, d'y presenter PeaceBuilders, eventuellement d'animer la partie 'Paix et commerce equitable' de la formation, d'animer au passage d'autres formations a la fabrication de savon, et de revenir avec tout plein d'articles.

    En parallele, j'en profite pour decouvrir de pres la culture Kalinga. Les Kalingas sont une tribu de guerriers.

    * Attention: quand je parle de "tribu", je garde le terme local pour definir un groupe ethno linguistique. Ne m'imaginez pas dans un village de bambou, au milieu de femmes en pagne et d'hommes torse nus: les Kalingas s'habillent comme vous et moi, vivent en ville ou a la campagne et ont des jobs au gouvernement :) *

    Quand j'ai evoque leur reputation de coupeurs de tetes, la famille de Twinkle m'a repondu de ne pas m'attacher a cette information "prise hors contexte". De fait, plus j'apprends, plus je realise la richesse de leur culture et de leur histoire. Je me rejouis de la decouvrir toujours plus et j'essaierai de vous la partager par morceaux durant mon sejour ici.


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  • Dans la maison où je loge à Tabuk (Kalinga), chez Uncle Johnny et Auntie Agnes (des parents de Twinkle), nous recevons régulièrement la visite de cousins, oncles, grands-oncles. Jeudi dernier, c'était Uncle Erwin qui était là pour jeter un oeil aux invités de Twinkle. Uncle Erwin est un grand monsieur tout maigre de 86 ans, qui m'a fait un peu penser à Compay Secundo (le chanteur du Buena Vista Social Club): on sent l'humour derrière l'air grognon, le sourire qui essaie de se cacher.

    J'en raconterai plus sur les Kalingas dans un autre post parce que leur culture est vraiment passionnante, mais ce que vous devez savoir c'est que les Kalingas sont une tribu de guerriers. Uncle Erwin a encore en travers de la gorge un commentaire de Churchill sur les Igurot (une des tribus d'à côté). Churchill aurait dit: "In matters of war, the Igurot are second to none. Give me 5000 Igurot warriors and we will conquer the world".

    Uncle Erwin grommelle. "The Igurots! Second to none, second to none... What does that even mean? That's not Filipino English!"

    Ca m'a beaucoup amusé, mais surtout ça m'a fait prendre conscience que les Philippins ont créé leur propre anglais. Laissez moi vous présenter mes adaptations préférées:

    1) Les traductions directes du tagalog

    L'exemple le plus frappant, c'est "to know how to", qui ne veut pas exactement dire "savoir comment". A table, on me demande: "Do you know how to eat rice?", "Do you know how to eat bittergourd?". Au début, je répondais "Ben oui, c'est bizarrement similaire à manger n'importe quoi d'autre", ou "Oui, j'ouvre la bouche et puis je mange". Mais mes réponses, même si elles me faisaient rire intérieurement, m'attiraient en général quelque chose entre le silence gêné et le sourire poli. Et j'ai appris qu'en fait "know how to" ça veut plutôt dire quelque chose comme "aimer faire". C'est pour ça que quand la tante de Twinkle m'a dit "I don't know how to use an umbrella", j'ai su que je ne devais pas répondre "c'est facile, si tu veux je te montre comment faire" mais bien "moi non plus, je le perds tout le temps"

    2) Les utilisations approximatives des voyelles (et aussi un peu des consonnes)

    Il n'y a pas de son "f" ou "v" en tagalog ni en visaya, du coup quand ils parlent anglais ils les remplacent par p ou b. Comme la plupart en sont conscients ils font attention à prononcer certains p en f... Mais pas nécessairement ceux qui étaient des f à l'origine.

    Pour les voyelles, c'est un autre combat. Il n'y a en tagalog que 5 sons voyelles (et en bisaya 3). Les subtilités des voyelles longues ou courtes en anglais passent donc à la trappe. Attention aux mots qui se ressemblent! Sur un chemin de gadoue où mon guide philippin avait le pied bien plus sûr dans ses flip-flops que moi dans mes chaussures de marche, je lui ai demandé "do you never slip in the mud?" Il m'a regardé d'un air qui semblait dire "why would I ever do that?"

    3) En fait, une toute autre approche des mots

    Les philippins semblent avoir une préférence pour les mots anglais de 3 syllabes, surtout quand ils ont un synonyme beaucoup plus courant. Une station de pneu est "vulcanizing shop" (au lieu de tyre shop), personne ne dit "pee" mais "urinate", un administratif m'expliquait qu'il affichait ses informations dans des endroits "conspicuous"...

    Certaines expressions ont même complètement changé de sens: je me souviens d'une conférence où l'oratrice avait parlé de la situation des agriculteurs qui n'avait pas changé depuis 100 ans malgré la présence de Nestlé, et ajouté "no pun intended". Dans la voiture sur le chemin du retour, j'avais cherché le pun en vain:

    "There was no pun at all! No pun whatsoever!

    - exactly, there was no pun...intended!

    Jusqu'à ce que je capte que "pun" a changé de sens en traversant l'océan. Ici un pun c'est une pique, une provocation. Pas un jeu de mots.


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  • Au nord des Philippines, dans une région de montagnes et de rizières en terrasses, vit la tribu Kalinga. Les Kalingas ont trouvé un équilibre dynamique entre le progrès et la tradition, et mènent une vie citadine tout en suivant la loi tribale. Je vis avec eux depuis quelques semaines, et ai eu l'occasion samedi dernier de découvrir le "kabit".

    Le "kabit", c'est un processus de résolution de conflit mis en place par la loi tribale, le "pagta". Les Kalingas ne font appel à la justice du pays qu'en tout dernier recours: quand un conflit surgit entre des membres de sous-tribus différentes, leurs clans se réunissent pour le "kabit", une discussion qui peut prendre plusieurs jours et qui a pour but de trouver une solution acceptable pour tous.

    Ce jour-là, la famille qui m'accueille est directement concernée. Jericho, l'oncle de mon amie, a découvert que sa femme Mary était enceinte d'un de ses collègues. Daniel est lui aussi marié, et vient d'une autre sous-tribu. Jericho est blessé et en colère: s'il n'en tenait qu'à lui, dit-il, sa femme et son amant ne vivraient pas longtemps. Une trentaine de membres des deux sous-tribus se réunissent ce matin chez Jericho pour chercher une solution.

    Quand les échanges commencent, la tension est palpable. Jericho ne souhaite pas participer à la discussion dans la cour, et tourne en rond dans son salon. Une des ses soeurs reste à l'intérieur avec lui pour veiller sur lui. Dehors, tout le monde écoute en silence tandis que l'un après l'autre se lève pour donner son avis ou proposer une idée:

    "Jericho veut divorcer, il est catégorique"

    "Daniel doit être pénalisé, c'est lui qui a planté l'enfant"

    "Nous comprenons le besoin d'une pénalité, mais vous demandons de garder à l'esprit que la situation pourrait être inversée; s'il vous plaît restez raisonnables dans votre requête"

    "Daniel ne peut pas divorcer, sa femme vient de donner naissance à leur cinquième enfant"

    "Laissez moi vous raconter une situation similaire et la solution qui avait été trouvée"

    Mon amie Twinkle prend des notes.

    Pendant ce temps, on s'affaire dans le jardin et la cuisine. Il faut préparer le repas pour tous ces invités, et surtout tuer le cochon. Les repas ont une place majeure dans le "pagta", et offrir un animal à 4 pattes à ses invités est signe de respect, particulièrement en situation de conflit.

    Quand le repas est prêt, les deux parties sont arrivées à un accord: Jericho ne portera pas plainte pour infidélité, permettant ainsi à Mary de conserver son travail au gouvernement (l'infidélité est une faute penale aux Philippines). Il gardera la maison et Mary retournera chez sa mère avec leurs deux filles âgées de 4 et 8 ans. Daniel devra payer des dommages et intérêts à Jericho, et assurera aussi les frais du divorce. Mais dans les faits, les frais et l'amende seront assurés par toute la tribu: d'une part parce que Daniel n'en a pas les moyens, d'autre part pour lui rappeler que ses actions ont un impact sur toute la communaute. L'accord est rédigé et signé par tous les participants.

    Le "Kabit", processus de paix

    Twinkle circule pendant le repas avec l'accord a signer

    L'après-midi est passé à discuter les détails de l'accord et l'avenir plus lointain: que se passe-t-il si Jericho se remarie? Si Mary se remarie? Quel héritage sera transmis à leur deux filles, à leurs prochains enfants?

    A la fin de la journée, l'atmosphère est clairement apaisée. Jericho sourie, joue avec les enfants. Quand je lui demande s'il est satisfait de l'issue de la discussion, il me dit que oui. Il sait que les décideurs veulent le meilleur pour lui mais aussi pour sa femme et ses enfants, et qu'ils ont plus de recul sur la situation. Le processus, au final, aura coûté un cochon et duré une journée, pour une solution où la dignité de chacun est respectée.

    C'est un processus etonnant pour une occidentale, mais il me parait finalement beaucoup plus respectueux qu'un proces. Et vous, qu'en pensez-vous?


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  • Oh la la, déjà presque un mois depuis mon dernier post! J’écris aujourd’hui pour vous donner quelques nouvelles et essayer de rattraper mon retard :

    1-    Plusieurs d’entre vous ont entendu parler du décès de ma grand-mère paternelle, Marie Helene Haldemann, le 11 septembre dernier. Elle est partie dans son sommeil, paisiblement. Mais ça a été un peu dur pour moi de ne pas pouvoir vivre le deuil avec ma famille. Je suis reconnaissante pour le soutien que j’ai eu ici : Uncle Johnny et Auntie Agnes chez qui je logeais à Kalinga et qui me présentaient partout comme leur « daughter from abroad », ainsi que toute la famille de Twinkle ont organisé une soirée de prière pour Mamie ; et ma famille m’a permis d’assister aux funérailles à travers des textes et des photos. Mais je regrette de n’avoir pas créé l’occasion de lui dire au revoir avant mon départ pour les Philippines.

    2-    Mon temps a Kalinga s’est terminé le 29 septembre, date à laquelle je suis partie pour Manille. Une de mes taches à Kalinga était de collectionner des histoires personnelles de paix et de les rédiger pour les partager (comme par exemple l’histoire du Kabit). Je suis encore en train de mettre mes nombreuses notes au propre, et ça explique aussi mon retard sur le blog (parce que quand je suis fatiguée d’écrire pour mon travail, je n’ai plus très envie d’écrire sur mon blog). Mais j’ai récupéré des histoires extraordinaires que j’ai l’intention de partager avec vous (un jour ou l’autre :))

    Reperes

    3-    A mon retour de Kalinga, j’ai passé une semaine à Manille, où j’ai logé chez Darnell et Christina Barkman, aussi pour continuer d’accomplir ma nouvelle mission de ‘Peace Network Coordinator’. Darnell et Christina viennent d’Abbotsford au Canada et étaient volontaires à PeaceBuilders il y a quelques années. Ils se sont ensuite installes comme missionnaires à Manille, ou ils sont membres d’une petite communauté qui explore différentes façons « d’être église ». C’était une semaine passionnante pour moi, entre discussions théologiques et rencontres des membres de Peace Church dans leurs lieux de vie (que ça soit une petite communauté anarchique ou un quartier pauvre de Manille)

    Breves

    Breves

     (J'ai peu de photos de cette semaine, heureusement que Darnell est adepte de "selfies" que j'ai pu recuperer sur facebook) A gauche: un repas chez les Barkmans avec de gauche a droite Regina, Christina, le petit Cody, moi et Darnell; a droite: Fread (le poing leve) et Taki (tout a droite) nous font visiter Tondo, un quartier de Manille a mauvaise reputation

    4-    Je suis rentrée a Davao hier, et ai enfin rencontre mes nouveaux collègues ! AJ et Jonathan sont deux nouveaux ‘stagiaires’ à PeaceBuilders – et accessoirement mes colocs. Je suis très contente qu’on soit maintenant une petite équipe de ‘volontaires internationaux’ ! J’étais aussi ravie de retrouver tout le monde au bureau, d’échanger les grandes et les petites nouvelles, de jouer avec les enfants du bureau et de passer du temps a Coffee For Peace.

    5-    Je me prépare maintenant à rentrer en France pour 2 semaines de vacances, dont l’évènement majeur sera le mariage de Corentin (mon petit frère) et Rebecca. Je me réjouis énormément de passer ces quelques jours avec ma famille et mes amis. Le départ est prévu dans 2 jours !

    En un mot comme en cent, j’ai vécu un mois assez intense, et j’essaie encore de faire le tri et de trouver pied dans ce flot d’idées et d’émotions. Voilà pour les nouvelles ! Elles expliquent (partiellement) mon silence sur le blog, alors que les projets de messages s’entassent dans ma tête. A bientôt !


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