• Point culture: les valeurs de Kalinga

    A mon retour de France, ma collègue Nenia m’attendait avec un billet d’avion à la main : nous sommes repartis pour Kalinga quelques jours plus tard, cette fois en équipe. Kalinga, c’est cette province tout au nord des Philippines ou j’avais passe 5 semaines avant de rentrer en France. Et il semblerait que je sois appelée a y retourner de temps en temps. Je répète souvent qu’ils ont une culture passionnante mais finalement je n’en dis pas grand-chose, alors j’ai pensé qu’il était temps de proposer un petit point info !

    Point culture: les valeurs de Kalinga

    Ce post est dur a illustrer alors je vous mets juste des photos de Kalinga au pif

    Kalinga est une province mais c’est aussi le nom de la tribu qui y vit. 48 « sous-tribus » la composent, et chaque sous tribu a une version particulière de leurs lois. Le comportement d’un Kalinga est dirigé par un double code : les valeurs d’un cote, et le bodong de l’autre.

    Les 3 valeurs Kalinga sont paniyaw, ngilin et ba-in.

    Paniyaw dirige la relation au monde spirituel, en établissant une liste d’interdits, d’actes abominables punis par le monde des esprits en plus du monde tangible. Si un crime reste impuni par les autorités en charge, les esprits se chargeront non seulement de punir le malfaiteur mais aussi les anciens qui ne l’ont pas corrigé. Cette liste inclut par exemple :

    - Le vol : il est dit que le vol apporte la honte sur toute la famille du voleur, et qu’il sera condamné a une vie de mauvaises récoltes

    - Le ba-ug, qui est le meurtre d’une personne étrangère au village mais à qui on avait déjà donné à boire ou à manger. Nourrir un étranger, c’est le placer sous notre protection et sous celle du village, c’est pourquoi ce type de meurtre est particulièrement intolérable. Il est généralement puni par la mort des enfants de l’offenseur.

    - Le sug-sug, l’acte d’attiser les braises en cas de conflit entre deux personnes ou deux clans. Si le sug-sug entraine de la violence, le malfaiteur sera victime du sug-sug d’un autre.

    - Le spoiler, l’acte d’acheter ‘Les Cerfs-Volants de Kaboul’ et d’y inscrire le destin de chacun des personnages à leur entrée en scène, puis de vendre le livre en occasion pour pourrir le suspense aux expatriées confiantes. OK j’avoue, celui-ci n’est pas encore officiellement « paniyaw » mais je cherche à qui m’adresser pour le faire ajouter.

    Ngilin règle les questions de la vie en communauté, comme un guide de « bonnes pratiques ». Est ngilin :

    - De ne pas visiter un jeune couple dont la femme est enceinte de son premier enfant. A Kalinga, les portes sont toujours ouvertes et on peut entrer dans n’importe quelle maison pour demander le gite et le couvert. Mais si une jeune femme est enceinte de son premier enfant, la maison est fermée aux visiteurs

    - De ne pas se moquer des animaux ni de les déguiser en humains. Cela ne se fait pas (pour une raison qui m’échappe)

    - Pour un homme, de rester éloigné des points d’eaux habités par les esprits si sa femme vient d’accoucher, pour ne pas causer de maladie a l'enfant

    Enfin, ba-in est une valeur interne, de respect pour soi-même et les autres. C’est un peu l’honneur, la face. Quelqu’un qui est maba-in (littéralement, qui a du ba-in) s’adresse aux autres de façon adéquate (et pas par leur prénom), aide ceux qui sont dans le besoin, ne rivalise pas avec des anciens ou des membres de sa famille pendant les élections, partage les bénédictions de la nature (gibier, poisson, récolte), participe aux célébrations rituelles…

    La ce sont les freres, soeurs et cousins de Twinkle qui dansent sur des instruments traditionnels en bambou

    Le Bodong

    Le deuxième code de conduite, c’est le Bodong. Le Bodong signifie littéralement ‘accord de paix’ et lie 2 sous-tribus. Et oui, ça veut dire qu’avec 48 sous-tribus il y a 1128 bodongs différents ! Mais c’est ça qui reste la loi la plus respectée dans la province. Le Bodong définit les territoires de chaque sous-tribu, les obligations des tribus l’une envers l’autre, les châtiments en cas d’infraction, etc. Dans chaque tribu et pour chaque bodong, il y a un binodngan (ou bodong holder, le tenant de l’accord de paix) qui est en charge de représenter le bodong d’avec telle tribu.

    En cas de conflit, très rares sont ceux qui vont au tribunal : les processus de résolutions des conflits déterminés par le bodong sont simples, les décisions sont prises par consensus avec médiation par les anciens. Elles sont basées sur ce qui semble raisonnable et meilleur pour chacun, et prennent effet immédiatement. Il n’y a ni juge pour trancher, ni police pour faire respecter les décisions par la force. C’est pas mal non ? Ca a un petit goût d’église primitive tout ca...


  • Commentaires

    1
    Elisabeth
    Mercredi 26 Novembre 2014 à 15:16

    Quelle richesse culturelle et quelle complexité ! Merci de nous introduire dans ce fonctionnement qui nous dépasse !


     

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