• Je réalise que j'ai jamais vraiment expliqué les transports, ce qui est dommage parce les Philippines ont des moyens de voyager particulièrement cocasses. J'ai nommé:

    # Les jeepneys

    Jeepney (photo de JS)

    Elles sont absolument partout et roulent 24h/24. Chacune suit un trajet prédéfini en boucle (trajet respecté sauf impondérable): les rues dans lesquelles passe le (la?) jeepney sont inscrites sur le côté du véhicule, et les prochaines étapes majeures sont sur des pancartes ventousées au pare-brise. Quand je repère la (le?) jeep qui va où je veux aller, je fais signe au chauffeur qui s'arrêtera s'il a de la place, et je monte me serrer sur le banc. Il y a pour chaque véhicule un nombre maximum de passagers, qui se calcule de la façon suivante: on fait monter les gens au fur et a mesure, et quand ils sont tous tellement serrés qu'ils ne sont plus assis que sur une demi-fesse et qu'on ne caserait plus une crevette, on les compte, on rajoute 2, et c'est le nombre de passagers maximum.

    Le trajet coute 8 pesos (a moins qu'on aille particulièrement loin). Je donne la monnaie à mon voisin, qui fait passer jusqu'au chauffeur. Quand l'argent arrive, si le compte est bon tout va bien, s'il y en a plus il faut préciser et on crie au chauffeur "c'est pour deux personnes!", "je vais a Toril!"  ou encore "je vais juste a Ecoland" (sous entendu "rends moi la monnaie!"). La monnaie repasse alors de main en main jusqu'à moi.

    Et quand je veux descendre, j'appelle "Lugar lang!" ("De ce côté!") (Alternatives acceptees: siffler, faire un bruit de bisou, taper sur le toit) et le chauffeur s'arrête sur le bas côté.

    J'en profite pour rendre hommage aux chauffeurs de jeepneys, qui sont les rois du multitâche! Ils conduisent à toute blinde dans des rues bondées, tout en comptant la monnaie pour les gens qui paient, en restant attentifs aux bruits à l'intérieur de la (du?) jeepney et veillant que personne ne leur fasse signe sur le trottoir.

    Un petit gout de Davao: Les transports

    Dernier petit détail amusant (mes collègues des Grillons apprécieront): la place handicapé à côté du chauffeur! Comment font-ils pour monter, mystère...

    # Les tricycles

     

    Tricycle, photo de JS

    Les tricycles sont des motos sur lesquelles on a fixé toute une carriole! Ce qu'on leur fait pas subir... Toutes les variations existent: avec un vélo au lieu d'une moto, avec ou sans toit, avec un petit parasol, 2 ou 4 places... Les tricycles, on les prend sur des distances qui seraient carrément marchables, mais a Davao ce sont les pauvres qui marchent. Ils sont interdits d'accès sur les axes principaux (parce qu'avec les jeepneys qui zizaguent en s'arrêtant tous azimuts le trafic est déjà pour le moins chaotique!)

    Le système de prix est beaucoup plus obscur que pour les jeepneys! En théorie, la règle c'est 7 ou 8 pesos par place assise. Si on en arrête un en route et qu'il s'avère qu'il va dans la bonne direction, on ne paie que sa place. Mais si on s'installe quand il est a l'arrêt, on a le choix entre le faire partir et payer toutes les places assises, ou attendre qu'il se remplisse de gens qui veulent aussi aller où on va. Mais si on va loin (catégorie imprécise) les prix montent vite. Ou peut-être que c'est quand on va loin et que c'est un vélo et pas une moto. Ou alors quand on est nombreux et que c'est un vélo.

    Ma technique, pour pas faire l'étrangère qu'on peut arnaquer en demandant "c'est combien?", c'est de tendre 50 pesos en prenant l'air embêté "désolée je n'ai que ça, vous avez de la monnaie?". Ca marche du tonnerre, c'est en faisant ca que j'ai eu les trajets les moins chers!


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  • Au gré des rencontres, il m'arrive de croiser des gens particulièrement intéressants. Comme par exemple lundi dernier, à une soirée "vins et fromages" chez Peter et Cecilia (un couple helvético-philippin qui arrivera sous peu dans le trombinoscope).

    Lorenzo Acompanado the second

    Laissez-moi vous présenter Lorenzo Acompañado II. Ingénieur de formation, il s'est passionné pour la construction de bangka. Les bangka sont des barques traditionnelles, fines et longues mais très stables grâce à des troncs de bambou de part et d'autre. Leur savoir-faire est transmis oralement depuis des générations. Lorenzo a des beaux souvenirs de son grand-père qui était pêcheur, à l'époque où la première mission du pêcheur était de construire sa propre embarcation. Il a pas mal voyagé dans le pays en moto, mais pour visiter les Philippines et leurs milliers d'îles, quel meilleur moyen que la voie de mer?

    Le savoir-faire des bangka commence à disparaître et n'est documenté nul part. Lorenzo a donc commencé ses recherches et enquête sur les méthodes traditionnelles et les variations modernes. Les bangka de pêcheurs sont légères et faites pour pouvoir être transportées par un homme seul: comme il part travailler la nuit il ne veut pas devoir réveiller ses voisins pour pouvoir accoster. Mais il arrive aussi que des voisins ou un groupe d'amis se motivent et construisent ensemble une bangka qui pourra accueillir plusieurs personnes, ou aller plus loin.

    Maquette de balanghay, photo tiree de son site

    Lorenzo construit maintenant des bangka dans son jardin, parfois à partir de bois de récup. Vous pouvez aussi visiter son site (en anglais). A terme il souhaite apprendre aux enfants comment faire. Son rêve: un camp d'été où les enfants construiraient leur bangka avant de partir naviguer avec. En voilà un beau projet!


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  • Aux Philippines, le 27 mars a été marqué d'une pierre blanche: c'était le jour de la signature du CAB (Comprehensive Agreement on the Bangsamoro), un accord de paix historique entre le MILF (Front Islamique de Libération Moro) et le gouvernement. Le MILF est un des plus grands groupes séparatistes musulman (environ 15 000 membres), et les combats durent depuis 1970 et ont fait près de 120 000 morts et 2 millions de réfugiés.

    *******************
    Le conflit (à très grands traits):
    Les Philippines ont été créées en tant que pays par les Espagnols, qui ont unifié un groupe d'îles. Ils n'ont jamais réussi à conquérir les provinces musulmanes de Mindanao mais les ont quand même incluses dans l'acte de vente des Philippines aux Américains en 1898. Les Bangsamoro (les musulmans philippins, de Bansa, Nation et Moro, Maure), méprisés par les chrétiens et soumis à des lois iniques, militent pour un pays indépendant.
    *********************

    L'accord de paix entre le MILF et le gouvernement dessine un chemin pour une province autonome, un peu sur le modèle des états américains. Les Bangsamoros auraient leur propre gouvernement, leur police et le contrôle de 75% de leurs ressources naturelles. La délimitation précise de la province sera définie par des référendums dans différentes villes, mais le MILF a dû se résoudre à un territoire plus petit que celui qui avait été discuté en 1996, lors d'une première tentative d'accords. En effet les chrétiens de la région refusent de vivre dans une province musulmane. Le MILF s'est engagé pour un désarmement progressif, à remettre leurs armes à une tierce partie (donc pas les rendre au gouvernement mais à un groupe composé en gros d'internationaux qui travaillent dans l'humanitaire). Le pays se réjouit...

    ^^^^^^^^^^^^^^^ Finalement voila la photo!^^^^^^^^^^^^^^^

    Le MILF celebre la signature du CAB les poings leves, et plus a coups de fusils

    Enfin, l'accord de paix

     

     
    Mais vous pouvez imaginer toutes les voix qui veulent se faire entendre, et tous les obstacles à l'installation de l'accord...Car bien sûr tout le monde n'est pas content de cette option:
     - Le MNLF, Front de Libération Moro Nationale, a été tenu à l'écart des négociations. Un accord de paix avait été négocié entre le MNLF et le gouvernement en 1996, où le MNLF renonçait à sa revendication d'un pays indépendant. C'est en désaccord de ce traité-là que s'était formé le MILF à l'époque (vous suivez?). Les combats de Zamboanga en septembre 2013 étaient (officiellement) le cri de frustration du MNLF. (Mais ces combats correspondaient étrangement à un besoin de détourner l'attention publique d'un énorme scandale de corruption au niveau du gouvernement). Le MILF, grand prince, tend maintenant la main au MNLF, mais sans réponse officielle pour l'instant.
     - Une partie du MILF, qui refuse de compromettre, s'est séparé du groupe séparatiste pour créer un nouveau groupe, les BIFF: Bangsamoro Islamic Freedom Fighters. Ils sont à l'origine de plusieurs combats ponctuels depuis quelques mois.
     - Le NPA, New People's Army, sont le bras armé du parti communiste. Eux si je comprends bien ne sont pas directement concernés par l'accord et ne sont jamais contents de toute façon. Et comme le gouvernement gagne en culot avec la signature des accords et commence à arrêter leurs dirigeants, le NPA gronde d'autant plus...

    Voila pour le petit point politique!

    Sources: Al Jazeera, the Philippine Inquirer, et diverses discussions (mais j'assume tout à fait la subjectivité du texte)

     


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  • L'utang na loob, c'est le fil du tissu social aux Philippines. Littéralement ça veut dire "la dette du dedans", c'est l'obligation qu'on a envers quelqu'un qui nous a rendu service. Il y a un proverbe qui dit "Choisis une faveur plutôt qu'un paiement": un paiement clôt la relation, alors qu'une faveur lance le début d'une danse "dette-remboursement" qui durera pour toujours!

    La pratique, quand on a "utang na loob" avec quelqu'un, c'est de rendre un service légèrement plus important que celui qu'on a reçu; le double avantage c'est qu'on est sûr d'avoir repayé sa dette et que c'est maintenant l'autre qui se sent redevable. C'est utang na loob qui valide les liens d'amitié et les obligations familiales. C'est une impression très forte et qui influence énormément les actions des uns et des autres, jusqu'à la politique. Entre ça et la corruption pure et dure on peut imaginer que la démocratie peine à se faire une place!

    Dans les premiers mois j'étais juste l'étrangère, mais je sens que je commence à me faire une place dans le réseau d'utang na loob, et que c'est ça qui m'ancre dans le pays. Ce sont des petits riens (Cathy de Coffee for Peace m'accompagne dans un magasin de pâtisserie, et je lui donne une partie des cookies que j'ai fait; mon collègue Tyron m'apprend à télécharger et je lui montre des astuces dans Word) ou des plus grands (Dawn a refusé d'être payée pour les cours de tagalog et j'attends l'occasion d'honorer ma "dette du dedans"). A chaque échange j'ai l'impression d'être plus perçue comme appartenant au groupe et moins comme une étrangère...


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  • Campayapaan: Les adolescents les plus motivés du monde

     

    Je suis rentrée samedi soir de Campayapaan! J’aurais de quoi raconter pour plusieurs posts… Mais je pars demain matin tôt à Leyte (hé oui j’y retourne) et entre le retour d'un camp intense et le départ imminent pour 3 semaines d'une toute autre mission, ça se bouscule un peu dans ma tête. Bon je vais essayer quand même parce que ça en vaut vraiment la peine.

     

    Campayapaan: Les adolescents les plus motivés du monde

     

    Pour ceux qui ont manqué le début, Campayapaan c’est le camp pour la paix qu’on préparait à PeaceBuilders depuis des mois. Il a eu lieu la semaine dernière, dans une école à la montagne ouverte pour les enfants de la tribu Bla’an, au large de Koronadal, South Cotabato.

    Ce qui m’a le plus frappé pendant ce camp, et de loin, ce sont les jeunes (pas littéralement, je vous rassure). Je ne savais pas que ça pouvait exister des adolescents aussi motivés!

    Par exemple :

    1)      * Le premier jour du camp, nous avions fixé un début des activités à 10h le matin. Je trouvais ça un peu optimiste, il faut dire que certains des jeunes inscrits vivent à 9km à pieds de l’école… mais bon, pourquoi pas. Hé ben, quand on est arrivés sur le terrain (un peu dans les vapes) à 6h du matin, devinez qui nettoyait l’école en nous attendant ? A 7h ils étaient tous là, à nous regarder en attendant qu’on commence.

    2)      * Le premier jour toujours, on les répartit en 3 groupes et on leur parle de la fête qu’on fera vendredi soir pour la dernière veillée. On leur demande de préparer, chaque groupe, une danse, un chant, et autre chose. Premières questions: « On a le droit de faire plus qu’un chant ? », « Je peux faire une danse en solo aussi? » Le reste de la semaine, a la moindre pause dans le programme : « Allez on va tous répéter! »

    3)      * Sur les 20 jeunes et les 7 jours de camp, pas une seule fois nous n’avons dû reprendre un jeune. Se lever à l’aube, ranger la salle, allez à la douche, au lit, faire la vaisselle, balayer le camp… C’était fait avant même qu’on en voie la nécessité. De ma vie j’avais jamais vu ça.

    Pétard même quand je me relis j’ai du mal à y croire ! Des mômes adorables, avec ça, tout contents de jouer, travailler, chanter, danser, discuter… Moi qui étais tellement sûre que l’adolescence ça voulait dire « être d’humeur changeante et traîner les pieds » dans tous les pays, voilà mes idées toutes chamboulées…

    En plus de ça, j'avais mon petit fan club. Un groupe de filles qui au début me suivait juste de loin en rigolant et en se donnant des coups de coude "Va lui parler! - Non, toi!". Et quand enfin elles ont osé, c'était "Il est tellement beau ton nez!", "J'aime beaucoup tes yeux!" (Ai-je déjà dit que vivre aux Philippines c'était un ego boost incroyable?) Elles étaient mignonnes comme tout et le contact était vraiment sympa, entre hésitations en anglais et en tagalog.

    Je m'arrête là pour aujourd'hui parce que je tombe de fatigue, mais j'ai bien l'intention de raconter plus! A suivre...


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